mardi, août 03, 2010

Une boucle de bouclée.

J'ai eu cette chance d'avoir des parents qui n'aimaient pas la variété française, et qui preferaient jouer les disques d'Elvis ou de Georges Benson a ceux de Dalida ou de Michel Sardou. Et c'est donc tres jeune que je fus confronte au probleme de tout amateur de musique: mais pourquoi ils passent pas ca a la radio ? Heureusement, une dizaine d'annees apres ma naissance le gouvernement francais autorisait les radios dites "libres" a emettre sur la bande fm. Ce fut un raz de maree.
De La Voix du Lezard a Radio 7, de Radio Soleil a Carbone14, partout sur la bande fm des fous furieux sortaient leurs disques et faisaient trembler les transistors.

Au milieu de cette jungle de sons, mon foyer avais jete son devolu sur une radio en particulier RFM. RFM, dite "radio brouillée". Et ce parce qu'elle etait effectivement brouillee par les service de l'Etat pour cause d'emeteur trop puissant, et de vente d'espaces publicitaires non autorisee a l'epoque. Mais que sont quelques heures de brouillage face a une radio qui diffuse la musique que l'on aime. Fini les interminables seances de parlote des radio peripheriques, a nous TOTO, ZZ Top, Huey Lewis, AL Green, Player, America et j'en passe. Fini les journalistes dessechés, a nous les animateurs passionnés qui parlent du monde comme nous le voyons, qui parlent de la musique que l'on aime. A nous les petits dejeuners avec Martial au micro qui fusille littéralement la variete et les emissions qui la promotionne quand il annonce les programmes TV du soir. Une rubrique qui chaque matin nous faisait dresser les oreilles et mourir de rire.

C'est en ecoutant cette matinale, au debut des 80s donc, que mon pere s'inquiete un jour de ce que je voudrais faire plus tard comme metier. Le nez dans mon thé je repond en montrant la radio du doigt "ca.., ce que fait Martial ca doit etre sympa comme metier". Mais la FM est encore adolescente, et pour un pere, qui plus est etranger au monde des medias, animateur de radio FM ne doit pas etre une profession tres lucrative. Sa reponse sera evasive. Je crois qu'a cet instant nous avons tous les deux pense qu'apres tout je n'avais qu'une dizaine d'annees et que j'avais bien le temps d'y repenser plus tard.
C'est donc par pur amusement, probablement lassé des Legos, que je commence a jouer a l'animateur d'RFM dans ma chambre et a m'enregistrer avec un micro, une platine vinyls et une platine cassettes. Puis vient le temps de la CB. Ce MSN de routier me passionne. Parler dans un micro avec des gens... L'idee arrive tout logiquement, plutot que de parler dans le micro de la chaine hi-fi, je vais parler dans le micro de ma CB. Et c'est comme ca que pendant plusieurs mois je vais bloquer un "canal CB" et faire une emission portee sur la musique et les artistes qui la font. J'ai 14ans et je bois les paroles des animateurs d'RFM, je lis Best, je regarde en boucle Les Enfants du Rock de Dionnet et Manoeuvre assoiffé de culture musicale.
Tous mes copains de college ne parlent que d'NRJ, deja machine a tube, moi j'ecoute RFM. Ils fredonnent Bruel ou Goldman, je chante en phonetique les paroles d'Africa de TOTO et de Spirits in a material world de Police.

Puis vient le temps du lycee. Je decouvre The Cure, Joy Division, Depeche Mode et je tombe dans la mode new-wave. Je joue a l'ado deprimé au lycee, mais chez moi je continue d'ecouter RFM. La radio a changé, certes, Martial n'est plus la certes, mais la musique reste d'egale qualite, et les animateurs aussi. J'adore l'humour et le parlé de Christophe Dubreuil, inventeur de la chronique "l'animateur auquel vous avez echappé" dans laquelle il diffuse un speak d'un animateur d'une autre radio qui visiblement n'en fera jamais son metier. Il me faut aujourd'hui une nano-seconde pour reconnaitre sa voix quand il commente en voix off une emission de television. J'adore aussi le ton, le vocabulaire, l'humour de Laurence "d'RFM", c'est ainsi que je l'appellais. Elle est plus connue aujourd'hui sous le nom de Laurence Boccolini. Et peu savent qu'a l'ILTS elle nous enseignait l'histoire de la musique, et que deja il ne faisait pas bon etre le maillon faible. Je conserve encore aujourd'hui, precieusement, des copies d'interros corrigees par Laurence
Quand je suis entre a l'ILTS, section "cours-media" tout le monde ne parlait que d'Europe 2, la nouvelle radio a la mode, je ne savais repondre qu'RFM. Enfin quand j'ai eu mon premier micro en ile de France sur Radio Star(s?), apres chaque 6/9 je rentrais vite ecouter Christophe Dubreuil, pour continuer a apprendre et verifier que je n'etais pas dans "l'animateur auquel vous avez echappe" du jour. En esperant qu'un jour "le directeur d'RFM" m'appelle pour me proposer du travail.
Bref vous comprenez a present l'importance qu'a RFM dans l'histoire de ma vie radiophonique.

La premiere fois que j'ai mis les pieds dans cette radio, c'etait pour "un coup de main", une sorte de stage non-remunere, non conventionne ou je passais la journee enferme dans une piece a enregistrer des CDs sur des cartouches (cassettes a bande magnetique "pro" de l'epoque). RFM avait mise trop tot sur le CD et sa legendaire eternite. Certes j'etais dans LA radio, mais j'avais la pretention de meriter meilleur traitement. J'ai appelle un matin pour dire que je ne viendrais plus... Et je suis parti jouer du Rock'n Roll dans les bars.
La deuxieme c'etait le 23 decembre dernier. Le reve devenait realite 20ans plus tard. Le directeur des programmes d'RFM m'appellait pour me proposer du travail.

Il est entendu que les faits que je m'apprete a vous narrer, pourront etre dementis par les interresses et par consequent si vous doutez de mon integrite vous pouvez dors et deja retourner a votre Facebook.

Donc me voici, en cette froide journee de janvier, assis dans le bureau du directeur des programmes d'RFM. Mon interlocuteur etant egalement celui qui m'avait vire d'une precedente radio une mise au point etait necessaire lors de ce premier entretien. Tout de suite il est le premier a briser la glace de nos contentieux en me disant qu'il etait temps de faire table rase du passe, et que le fait qu'il ait fait appel a moi prouvait son interet pour mes qualites professionnelles. Qualites qui primaient sur nos differents. Il ne manque pas non plus de preciser que contrairement a la radio ou nous nous sommes connu, ici il a enfin les mains totalement libres. Pour ma part je ne manque pas de souligner mon envie de reprendre un micro, qui plus est sur une radio en pleine reconstruction, et de m'investir, si toutefois les conditions d'embauche sont a la hauteur. Dans un soucis de transparence il me raconte aussi sa version de faits qui lui ont ete reproches et qui avaient fait grand bruit. C'est a ce moment, en essayant de gagner un peu plus ma confiance, qu'il m'a decide a ne pas lui accorder. Apres avoir emis l'idee de me mettre a l'antenne de minuit a 6h, mon peut-etre-nouveau-boss, s'oriente sur les matinales du week-end. Mon refus categorique a officier la nuit, laisse place au desir d'animer cette tranche horaire beaucoup plus interressante. Le premier entretien s'acheve donc sur cette perspective.

Et c'est ainsi que l'histoire continue. Debut mars je prend ma place au micro les samedi et dimanche matin de 6h a 12h. Un week-end, puis 2, puis 3. Je m'installe, je prend confiance, et je commence a trouver un peu de place dans les regles d'antenne pour m'amuser. RFM en 2010 n'a plus grand chose a voir avec la radio qui me passionnait en 1982 certes, mais ma fierte d'y etre arrive est intacte. D'autant plus que comme dirait Francky "i did it my way".
Des qu'il le peut, le directeur des programmes ne manque pas de m'envoyer un sms pendant mon show, pour me feliciter et me dire que je suis parfaitement en accord avec ce qu'il attendait de moi. Lors de differents entretiens il me dira aussi qu'il compte m'attribuer a la rentree toutes les interviews de la radio, se referant a la qualite de celles effectuees pour une autre radio par le passé.
Ensuite il me donne rendez-vous pour me dire qu'il veut, a la rentree, une "vraie" matinale pour les week-ends aussi et qu'il souhaite que je fasse des maquettes avec des chroniqueuses.
Ce qui sera fait, d'abord avec une ex-lofteuse, puis avec une animatrice tele.
Je suis aussi, du moins tente t-on de me le faire croire, dans la confidence des grands changements a venir, en plus de toutes les belles opportunités qui me sont reservees. Tout va pour le mieux dans la meilleure des radios. Mais, tel Spiderman, mon 6e sens est en alerte, et si je profite pleinement de mon nouveau micro, je continue, en dehors de mes heures d'antenne, de considerer cette aventure d'un oeil critique et circonspect.

Puis les sms et les louanges ont commence a se faire plus rare. Et vint le moment de parler des remplacement d'ete, et de la grille de rentree. Curieusement mon cher directeur des programmes semblait moins disponible, et moins prompt a improviser un rendez-vous lors de mes passages dans les locaux. Un entretien est donc officiellement programme. Un semaine et demie avant la fin de mon contrat.
Mon interlocuteur semble embarrasse. Alors? Je fais quoi cet ete? Et a la rentree? lui demande-je.
C'est la qu'il me dit qu'il a plusieurs solutions, que rien est arrete, mais qu'apparement je suis pressenti pour... Faire les nuits a la rentree. Face a mon regard explicite, il me repete que rien est encore decide, et qu'il me telephonera avant la fin de la semaine pour m'annoncer les options choisies. C'etait un mardi. Le vendredi, en accord avec son legendaire courage, il laisse le soin a sa directrice d'antenne de me proposer les nuits du week-end a la rentree. Je lache un "non" glacial avant qu'elle ait eu le temps de finir sa phrase, et lui demande de dire au monsieur dans le bureau d'a cote que je ne vais pas tarder a venir lui faire part de ma facon de voir les choses.
Je raccroche et rappelle derechef, pour demander un rendez-vous avec monsieur le directeur des programmes.
J'entre donc pour la derniere fois dans son bureau le vendredi veille de mon dernier week-end sur RFM. J'entre avec un large sourire et je frappe le premier. D'abord je le remercie, parce que je revais d'etre animateur sur RFM, et que grace a lui ce reve est devenu realite. Avec le meme sourire je le remercie egalement pour les 100€ que j'ai gagne grace a lui en pariant avec un tiers qu'il allait me prendre pour un jambon. Il rit jaune. Maladroitement il essaye de se justifier. Je lui rappelle les projets dont il m'avait parle, et les mains libres qu'il se vantait d'avoir. Ses pietres arguments tournent en rond, et sont, des leur emission, de toute facon remis en cause par son passe plus que trouble. Il ne manque pas de me dire que c'est moi qui veut partir, bien qu'il me propose les nuits du week-end. Le ridicule est a son comble quand il me dit que c'est pourtant une tranche horaire intéressante...

L'epilogue viendra d'un heureux hasard de programmation musicale.
Dimanche 11 juillet 2010, 5h15 environ j'arrive pour ma derniere matinale. Comme a mon habitude je prend connaissance de la programmation et, ô merveille, mon avant dernier disque est un titre de Lily Allen intitule "Fuck You". J'ai 6h devant moi pour trouver comment en tirer profit. Il faut etre prudent dans la redaction. Respecter les regles d'antenne. Ne pas citer de nom. Ne pas denigrer autre chose que la personne visee. Et surtout s'arranger pour que l'interresse se reconnaisse, voire que tout le monde le reconnaisse. Dans mon dernier speak il y aura donc un peu de mon reve d'etre animateur sur RFM, un peu de remerciements, et un message a "mon poulet", ainsi appelle parce qu'il appelle lui-meme les gens "mon poulet". Et qu'il est d'ailleurs plus connu pour ca que pour ses talents de manager.
Il semble que l'exercice etait reussi, puisque la semaine suivante l'enregistrement de cette intervention a fait le tour des facebook, et que je ne compte plus les messages de felicitations, y compris de l'interresse dont certains doutent du fait qu'il ait reellement compris mon intention.

D'aucuns disent qu'il faut "avoir des couilles" pour faire ce que j'ai fait, d'autres pensent que je me suis mis a dos tous les directeurs de radios de France. Peu importe. J'ai fait ce qui me semblait juste et raisonnable en restant professionnel.